Il y a quelques mois, un professeur de Taï chi chuan m’a abordé lors d’un forum d’arts martiaux pour me demander si le Penchak Silat était un art martial “interne” ou “externe”. Étant partisan de l’argumentation par l’exemple, je lui ai demandé de tenir un pao et j’y ai envoyé une frappe main ouverte (type patte de tigre). Sa réponse fût : “Étonnant ! Ton style est externe mais tu génères dans ta frappe une force similaire à celle que nous développons dans les arts internes”. Sa réponse m’a amusée car elle s’inscrit dans le besoin qu’ont certains de vouloir catégoriser les choses quand bien même elles peuvent être étroitement liées.
En fait, cette question me fait penser à la réponse que m’avait fait un haut gradé d’arts martiaux japonais à qui il avait été demandé lors d’un passage de grade s’il pratiquait l’interne. Il avait répondu qu’un basketteur mobilise toute son attention lorsqu’il s'apprête à tirer un trois points, que lui fait de même lorsqu’il s'entraîne à envoyer ses coups de poing et que donc oui, il pratique l’interne. Le message sous-jacent était qu’il fallait arrêter de vouloir dissocier systématiquement les 2 pratiques. Approche à laquelle je souscris totalement et à laquelle un rappel historique est intéressant.
La distinction entre styles internes et externes vient de Chine.
A partir du VIè siècle, de nombreuses méthodes de combat s’y développent. On les rassemblera plus tard sous le nom générique de “Kung Fu de Shaolin” (Shaolin est le monastère bouddhiste d’où proviennent ces méthodes). Le bouddhisme est alors considéré comme une religion “externe”, en référence à la vie sociale, “extérieure” à leur monastère, à laquelle participent les moines du temple.
Un contre-pouvoir religieux apparaît en Chine à partir du XIIIè siècle dans la région du mont Wudang : le taoïsme. Ses adeptes recherchent la “transformation intérieure” par des pratiques ascétiques et une alimentation spécifique. Un ermite taoïste, Tchang, serait à l’origine d’un nouvel art martial d’où provient le Taï chi chuan.
Au fil des siècles, un clivage non officiel, voire même plutôt artificiel apparaît entre bouddhistes et taoïstes : le Kung Fu de Shaolin est bouddhiste donc “externe” et le Kung Fu du mont Wudang est taoïste donc “interne”.
Historiquement parlant, la notion de style “interne” et “externe” n’est donc pas liée à une méthode de combat en tant que telle. Il n’y a donc pas lieu de dissocier les deux types de pratique d’un point de vue martial aujourd’hui.
Il n’en demeure pas moins intéressant de connaître les caractéristiques des arts internes et externes tels qu’on les entend aujourd’hui. Ce travail permet de cartographier l’ensemble des champs de compétences martiaux et de sélectionner, en connaissance de cause, ceux sur lesquels nous mobilisons notre attention et nos efforts.
Voici un résumé de ce que l’on entend traditionnellement par “pratique externe” et “pratique interne”.
Les méthodes externes mettent l’accent sur les points suivants :
Les méthodes internes insistent sur les axes suivants :
Ces caractéristiques étant mentionnées, on se rend rapidement à l’évidence que les deux pratiques ne sont pas à opposer et sont bien au contraire complémentaires. Ce qui ne veut pas dire que la conciliation est toujours simple : le travail énergétique nécessite par exemple un relâchement musculaire peu compatible avec certaines postures d’arts externes. L’enjeu est donc de comprendre ce que ces différentes capacités impliquent et de les pratiquer assidûment avec des personnes compétentes en restant vigilant sur la cohérence globale de sa pratique.