Qu’est ce que la pratique des arts martiaux m’apporte de différenciant que je n’aurais pas en pratiquant une autre activité sportive ou artistique ? Qu’est ce qui justifie que j’y consacre du temps, de l’énergie, de ma personne, alors que j’ai un agenda professionnel chargé, une famille à m’occuper et d’autres responsabilités ?
Si ma pratique n’était qu’un loisir, une passion que je pratique pour me détendre, j’aurais arrêté depuis longtemps. Rien ne justifierait que je m’y investisse de la sorte pour une simple satisfaction personnelle et au détriment de mes autres engagements.
J’ai beau être un passionné, ma pratique des arts martiaux n’est pas une fin en soi. Elle s’intègre dans une hygiène de vie globale dont les bienfaits rejaillissent dans ma vie personnelle, professionnelle, familiale, associative et citoyenne. Mes entraînements s’inscrivent dans un sens des responsabilités vis-à-vis de moi-même et des autres. Dans cet article, je vais présenter 3 axes qui caractérisent ma pratique et mon enseignement.
En tant que citoyen et père de famille, je considère qu’il est de ma responsabilité de me doter des moyens d’intervenir et de m’interposer face à quelqu’un qui abuserait de sa force envers ma famille, envers autrui ou envers moi. C’est le civisme le plus élémentaire. Déléguer cette responsabilité aux seules forces de police est à mon sens une démission de ses responsabilités lorsqu’on sait qu’une agression ne dure que quelques secondes et qu’une fois prévenue, la police ne pourra bien souvent arriver que pour constater les dégâts. J’aurais pour ma part du mal à me regarder dans le miroir, après être resté passif face à des voyous qui auraient abusé de leur force face à une femme ou à une personne âgée.
Il faut néanmoins rester lucide : les situations d’agression ne sont pas notre quotidien. Je peux comprendre que pour certains, se prendre des coups à l’entraînement pour éviter d’en recevoir lors d’une agression qui n’arrivera probablement jamais soit un dilemme difficile à dépasser. C’est la raison pour laquelle la self-défense n’est que l’un des aspects d’un ensemble plus large de bienfaits que je vais aborder ci-après.
Par renforcement physique, j’entends garder un corps fort, fonctionnel, en bonne santé. Je considère cela comme :
- un gage de respect vis-à-vis de moi-même,
- une responsabilité individuelle de me prendre en main (et ne pas attendre que la société m’assiste sur ce qui dépend de moi),
- un acte de gratitude vis-à-vis de la vie qui m’a doté d’un corps d’une “technicité” exceptionnelle, comparé à n’importe quelle technologie humaine.
Pour être fort et en forme, le corps a besoin de toute une variété d’exercices et de mouvements qui permettront d’optimiser sa condition physique et de développer un éventail d’aptitudes corporelles. A ce titre, ma pratique n’est pas celle d’un compétiteur de haut niveau qui, sachant que sa carrière sera courte, épuise son potentiel physique sur quelques années. Il ne s’agit pas pour moi d’être bien et fort à un moment de la vie, mais bien au contraire de continuer à progresser en optimisant mon potentiel dans la durée. D’un point de vue martial, on n’a jamais vu un bon combattant en mauvaise santé. Une bonne condition physique est nécessaire pour développer ses facultés corporelles qui apporteront puissance, fluidité, rapidité, et stabilité. La vitalité est une condition sine qua non de l’efficacité.
Pour faire le lien avec le point qui suit et mettre en évidence que les 3 axes sont corrélés, la condition physique permet également d’avoir la conscience tranquille, de se sentir en confiance et plein d’énergie au quotidien.
J’entends souvent des discours ésotériques sur le travail dit “interne” alors qu’il s’agit d’un sujet très concret qui prend une place importante dans ma pratique à travers deux volets complémentaires :
- Le premier volet est le volet psychique, c’est-à-dire le travail “émotionnel”, qui permet de doper la confiance en soi, d’apprendre à maîtriser ses peurs et de développer sa volonté. Je travaille ce volet psychique à la fois par la voie “dure” et la voie “douce”. La voie “dure” (par exemple pratique du combat au contact ou ultra-trails dans les terrains et climats les plus arides du monde en ce qui me concerne) oblige à se transcender : lorsqu’on ne peut pas fuir, on n’a pas d’autre choix que de faire face à ce qui semble insurmontable. L’effort physique et la gestion de la peur poussent le mental dans ses retranchements, obligent à redéfinir son cadre de référence et à surmonter les frontières que l’on s’était fixées (ce que je considère primordial pour ne pas se fondre dans la tiédeur ambiante de nos sociétés aseptisées). La voie “douce” concerne les exercices de biohacking qui permettent de réactiver les zones du cerveau et de notre physiologie atrophiées par le confort de nos sociétés contemporaines (par exemple exercices dans l’eau gelée, dans le noir, travail des techniques reptiliennes (cf. article “De l’intérêt des techniques “reptiliennes” et “animales””)).
- Le deuxième volet concerne les exercices respiratoires et de conscience du mouvement qui, associés au relâchement musculaire et à la visualisation, permettent de diminuer le stress chronique, de mieux maîtriser ses émotions, de renforcer le système immunitaire et de développer son réseau sensori-moteur (cf. article “Voyage au coeur des bienfaits de la lenteur”).
De mon point de vue, les arts martiaux sont bien plus que des systèmes d’expression corporelle ou de combat. En se dotant des moyens de se défendre, le pratiquant fait en sorte de préserver son intégrité physique face à une personne qui le menace. En pratiquant les exercices corporels et respiratoires, l’adepte développe son potentiel physique. Et par la pratique du combat, surmontant ses propres peurs une à une, sans masque ni tricherie possible, il développe progressivement détermination, connaissance de soi et confiance en soi.
Dans l’apprentissage des arts martiaux, le corps, l’émotion et la pensée sont forcés à une rencontre exceptionnelle. Pour progresser, l’adepte doit développer volonté, courage, dépassement de soi et engagement. Il doit accepter les douleurs et blessures, les frustrations, ses propres limites pour ensuite les dépasser. Progressivement le pratiquant développe des qualités qui lui apportent des bienfaits exploitables au quotidien : assurance, tempérance, force, santé, maîtrise de soi, sérénité et confiance en soi.