Il existe beaucoup de confusion autour de l’inspiration des animaux dans les arts martiaux. Le Penchak Silat n’en est pas exclu. Cette confusion est liée à des démonstrations dans lesquelles on voit des pratiquants “singer” tel ou tel animal et à des adeptes qui associent le niveau d’expertise du pratiquant à sa faculté à reproduire telle ou telle mimique.
Certes certains styles et certaines techniques s’inspirent des animaux car les modes opératoires et les techniques de certains animaux sont tout-à-fait adaptées pour le combat à mains nues humain (ex la frappe en patte de tigre du Penchak). Mais s’arrêter là est extrêmement réducteur et laisse de côté les principaux bénéfices de ces techniques (lorsqu’elles sont bien comprises et pratiquées).
Je donne ici 4 axes sur l’intérêt de ces techniques :
Robert Paturel (champion de Boxe française, ancien du RAID et expert en self Défense) illustre ce point en expliquant que face aux “sauvages” que l’on peut rencontrer dans la rue, répondre en mode “civilisé” nous garantit la défaite. Il faut dès lors être capable de “redevenir un animal sauvage” l’espace de quelques secondes, de “gratter notre vernis civilisé” le temps de l’agression.
Il existe plusieurs modes de conditionnement. Dans son programme Ropers Evolution, Franck Ropers propose par exemple des modules pour développer cette faculté par l’hypnose. J’invite également tous ceux qui sont intéressés par le sujet à lire l’ouvrage Neurocombat - Livre 1, de Christophe Jacquemart relatif à la psychologie de la violence de rue.
C’est l’un des axes majeurs de l’approche de Franck Ropers, ambassadeur du Penchak Silat en France. Pour lui, quand on parle de techniques reptiliennes, il ne s’agit pas de gestes techniques rappelant le mouvement d’un reptile, mais de combattre en se basant sur le système réflex (qu’il associe au cerveau reptilien — à considérer avant tout comme une métaphore car la réalité scientifique n’est pas si simple), c’est à dire sur des techniques non codifiées, instinctives, et donc facilement applicables en situation de stress. Franck Ropers justifie que cette approche reptilienne permet de gérer le facteur temps. Si le cerveau doit choisir parmi un panel trop important de blocages conventionnels pour parer une attaque de rue, l’agressé à toutes les chances d’être mis en échec. Voici quelques éléments d’explication tirées de son ouvrage Self-Défense Penchak Silat parues aux éditions EM :
- On constate que si on prend un bagarreur de rue avec une frappe pas trop rapide, il va mettre 0.25 s et que le plus rapide des défenseurs va mettre (0.8 + 0.1 + 0.25 = 1.15 s). C’est pour cela qu’en combat de rue, celui qui cherche à appliquer une parade conventionnelle va avoir 0.90 s de retard.”
J’étudie depuis quelques années les arts martiaux russes, notamment ceux pratiqués par les anciennes unités d’élites Spetsnaz. Ceux-ci laissent une large place à des exercices individuels basés sur des mouvements d’animaux comme le crocodile. A la base, ces mouvements sont destinés à se déplacer furtivement pour évoluer sous le feu ennemi. Toutefois, ils sont aussi énormément pratiqués pour assouplir les hanches, développer la coordination des mouvements, endurcir muscles et tendons de façon fonctionnelle et exercer un massage en profondeur des organes internes pour améliorer sa santé. La bonne exécution de ces exercices nécessite en outre un juste équilibre entre tension et relâchement. Des atouts indéniables en combat lorsque l’on observe par exemple l’onde de choc généré par les frappes d’un combattant de MMA comme Fedor ou de maîtres de Systema comme Ryabco.
Il s’agit d’un axe que certains qualifieront d’ésotérique, mais que je trouve pour ma part intéressant. Il se base sur les travaux de Kenji Tokitsu, spécialiste de Tai Chi de Combat et de Kiko (Qigong japonais) et du docteur Yayama. Dans l’un de ses derniers ouvrages, il explique que, contrairement aux apparences, les capacités de mobilité de la colonne vertébrale des êtres humains est largement supérieure à ceux des animaux qui ont pourtant une forte capacité d’ondulation (félins et poissons par exemple). Mais l’homme moderne a perdu cette capacité et s’est progressivement bloqué et rigidifié. D’après lui, les mouvements reptiliens permettent non seulement de stimuler, redresser, activer et renforcer la colonne vertébrale, mais permettent également d’activer des zones endormies du cerveau car c’est celui-ci qui active le corps. En rampant comme un crocodile, on pourrait ainsi stimuler la partie reptilienne la plus profonde du cerveau, et réveiller des fonctions vitales endormies chez les hommes modernes comme par exemple la capacité à émettre le ki (l’énergie).
Il existe certainement d’autres axes non évoqués ici. La discussion est lancée...